Je projette de créer mon activité professionnelle en 2015 en tant que Guide Cyclotouriste Haute Montagne pour Etrangers.
Je relate sur ce blog mes entraînements, reconnaissances de parcours et organisation de ma structure.

lundi 29 septembre 2014

Séjour 25 - 28 Sept. 2014 / Etape 3 : Col Agnel, de l'Izoard et de Risoul

Réveil... grand jour, le col Agnel deuxième plus haut col d'Europe après l'Iseran au programme. Son nom résonne comme un mythe avec lequel j'avais rendez-vous aujourd'hui. Considérant mon point de départ réel à Guillestre d'une altitude de 987m, l'ascension vers les 2744m d'altitude de cette frontière franco-italienne s'annonçait prometteuse.

Après mon café allongé du matin accompagné toujours de discussions fort intéressantes avec la propriétaire de l'auberge au sujet d'un groupe de cyclistes irlandais préparant leur sortie du lendemain à coup de litres de bière la veille à la taverne mais pourtant matinaux, frais et disponibles le lendemain ou encore du diabète des marmottes apprivoisées trop et surtout mal nourries par les touristes, se prenant même volontiers à des poses photographiques - je pris la route vers 10h.

En plus du col Agnel, j'avais prévu l'ascension du col de Risoul - ville arrivée de la 14ème étape du Tour de France de cette année, pour une sortie plus "light" avec quelques 120km pour le parcours simulé. C'était sans compter avoir vraiment intégré passer au pied de l'Izoard, et décidément après l'ascension du col Agnel, je ne peux qu'accepter qu'on ne se refait pas...

Le voyant est au vert, c'est parti !

hmm... Col de la Cayolle, d'Allos et de Larche - à ajouter à ma "to do list 2014-2015" :)

On prend alors la route de Guillestre vers le col de l'Izoard pour une bonne heure de route avec une légère pente permettant de se remettre en jambes et d'écouter son corps sur des sollicitations plus ou moins intenses mais pas trop violentes, histoire de faire le point sur l'état mécano-biologique. De la fatigue certes, mais rien de bien anormal ou inquiétant. La journée s'annonçait sous les meilleurs auspices avec un temps radieux et prometteur. 

Au lendemain de mon épopée dans le parc régional du Mercantour, 
je m'attaque à celui du Queyras

Je commence à la connaître un peu cette route du circuit de l'Izoard !

Des dizaines de milliers de mouches invisibles sur cette photo juste au dessus du cours d'eau, très peu heureusement sur la route

Col Agnel tout droit, Col de l'Izoard à gauche,
au retour irais je ou n'irais je pas ?

Première découverte du jour pour moi, le château de ville vieille me surplombant. L'effet est réussi, on a tendance à baisser les yeux dû à une impression de puissance écrasante.

Depuis cette route, les contours du château se dessinent au loin.

Certainement une visite touristique à planifier ! 
Il n'y a pas que le vélo dans la vie ;)

Après une portion de route dans la pinède locale, on arrive enfin dans l'ascension : sommet à 20,2 km, 1331 m de D+ pour un pourcentage moyen de pente positive de 7%. Qu'est ce que j'adore quand la pente s'élève, fin de l'ennui !

Belle entrée en matière !

Enjoy ! :)

Dès le départ, sur la droite dans la forêt, on remarque ce drôle de rocher surnommé "la demoiselle coiffée" :

Vraiment intriguant... 

Après une petite recherche bibliographique, il s'agit de colonnes naturelles de roches de plusieurs dizaines de mètres de hauteur, dont la formation est due à différents phénomènes d'érosion. Bien essayé ce piège à touristes, mais je poursuis ma route vers le sommet !

Ensuite, la route devient un enchaînement de portions de lignes droites, d'un cadre paisible, chatoyant et bucolique. Un peu moins de mon goût, mais d'un intérêt qui se révéla par la suite...

Longue ligne droite, je l'ai dit. Eventuellement très exposé au vent.

La lala lala la... 

Lalalalala lalala

 C'est joli...

Mon Dieu, ça grimpe enfin ! Merci !!!

Fin de la sieste...

Là on revient carrément dans des paysages exceptionnels pour moi !

J'ai bien repris en altitude, pour des panoramas grandioses !

Petit coup d'oeil dans le rétroviseur avant d'arriver, à 500m du sommet

Your Trip to the Top ! (www.rhone-alpes-guided-cycling.com)

Le texte n'a que de place ici, toutes les images parlent d'elles mêmes...

Le col Agnel

Colle dell'Agnello

C'est parti pour une descente tambours battants ! Et une réponse définitive à ma question "dois je m'engager dans l'ascension du col de l'Izoard?" Oui !!! Parce qu'il faut dire que je me suis senti en sous régime et que j'ai bien envie de me défoncer un peu - chacun sa came... :)

Descente du col Agnel

Un Dimanche matin, il ne devrait pas y avoir de meilleur moment pour rencontrer d'autres cyclistes dans une ascension aussi célèbre. J'espérais bien partager les moments d'efforts intenses avec eux, d'autant que l'Izoard propose des pentes vraiment sérieuses ! Il est aussi très moteur d'avoir un lièvre à suivre ou à rattraper... ;)

A droite toute pour la direction, à gauche toute pour le plateau et le pignon !

Il n'y eu pas tant de cyclistes que ça sur cette ascension, moins d'une dizaine jusqu'à la casse déserte située à 2 km du sommet.

La casse déserte et sa palette de gris, la nature est toujours de bon goût !

Plus que 2km avant le sommet et il y avait mon lièvre avec un maillot aux couleurs et symboles du drapeau américain à environ 500m... Je me suis un peu plus employé à ce moment, m'étant gérer sur l'ensemble de l'ascension en rapport avec les efforts déjà déployés plus tôt ce jour, mais aussi les deux derniers jours. Il y avait aussi dans l'idée d'atteindre Risoul en fin de journée, et de rentrer le lendemain...

A 2360 m cette fois-ci !

Cette dernière photo a été prise par un groupe de retraités-randonneurs de Chambéry bien sympathiques. On a bavardé un peu au sujet de mon projet que j'expose volontiers. Ceux-ci m'ont semblé assez convaincu et je les remercie encore ici pour leurs encouragements. Leurs ayant laissé ma carte professionnelle, j'espère qu'ils me liront et qu'il n'hésiterons pas à laisser un commentaire à la suite de cet article.

J'ai ensuite engagé la conversation avec un groupe de copains de Lyon pour la plupart, un de Grenoble. Tous les ans, ils s'engagent dans l'ascension d'un col mythique ensemble malgré leurs niveaux disparates. Le lièvre américain faisait parti de ce groupe. Il y en avait un autre avec ce maillot, et il avait aussi leur champion qu'ils ont qualifié de guépard - il était effectivement physiquement taillé pour la montagne.
Après quelques minutes de bavardages, un des leurs que j'avais dépassé au pied de l'ascension dans un état pas loin de l'agonie est arrivé. J'ai le plus grand respect pour ces personnes qui sans entrainement spécifique, sans préparation, sans même réelle condition physique, se lancent un tel défi et le remportent. Chapeau !

Il était temps de redescendre même si la température ne poussait pas à l'empressement, mais Risoul m'attendait...

Stèle Louison Bobet et Faustino Coppi, 
en l'honneur de ces deux géants du Tour de France

Des dolmens naturels aux contours écharpés à gauche - superbe !

De la rocaille, de la roche sédimentaire carbonatée jaunâtre 
confèrent un caractère quasi-lunaire à cette partie du col.

Je dévale la pente à quelques 50/60 km/h, attention aux virages en épingle !

Retour dans la vallée pour traverser les villages de
Brunissard, La Chalp et Arvieux

Je me sentais encore un peu en jambes et très motivé pour aborder l'ascension de Risoul. J'aurais pris comme un échec de ne pas valider cette ascension secondaire au programme de ce séjour, alors que celle-ci me fait du pied depuis Guillestre depuis mon arrivée.

La rivière torrentielle Le Guil m'accompagne dans ma descente sur Guillestre.

Petit ravitaillement pommes fraîches et juteuses des Alpes à l'entrée de Guillestre, comme pour me doper avec l'essence même de la montagne.

Ici, c'est RISOUL !

La pente est exigente, j'en étais ravi si ce n'est que je commençais à faiblir. "L'ascension se fera au courage dans le pire des cas" pensais-je à ce moment là.

Diverti de ma fatigue par la vue sur la vallée et les sommets environnants

Et je parvins enfin au sommet :

Belle rampe que cette route vers Risoul

La vue est imprenable !

Objectifs du jour atteints et même dépassés ! Encore une formidable et riche journée rentabilisant mon déplacement et mon investissement. Restait alors à descendre tranquillement sans risques inutiles. La fatigue se faisant implacable, il fallait tourner les jambes et laisser l'appareil photo dans la poche, se ravitailler en liquide et en solide pour amorcer la recharge en énergie. Direction le petit supermarché pour faire le plein de provisions pour la soirée, et la nuit... Il fallait absolument arriver au bout de l'étape du lendemain, même si celle-ci était bien moins corsée.

En arrivant à l'auberge, j'ai directement posé mes affaires puis changé le pneu arrière de mon vélo. La montagne use prématurément ce qui est bien un consommable. Il faut donc être attentif à son niveau d'usure. Je ne parle pas des patins de frein qui ont fondu quasiment de moitié sur ce séjour !

Après mon dîner du soir, je suis descendu prendre un café dans le lounge de l'auberge. Petite musique de jazz, fauteuil en cuir cosy, j'appréciais le moment. La chienne de l'établissement, répondant au nom de Diam's, croisé entre un doberman et un berger allemand, est venue me réclamer quelques caresses que je lui ai bien volontiers accordé même si j'avais un peu de méfiance. La propriétaire me l'a confirmé, cette chienne dégage une force tranquille mais peut se changer en vrai chien de garde pour qui ne serait pas dans les clous. Mon vélo qui passait déjà la nuit dans la cour intérieure était définitivement bien à l'abri !

Café et Jazz, moment savoureux !

Initialement, je voulais rentrer sur Grenoble en passant par Briançon mais sans emprunter le col de l'Izoard. Ma gourmandise me perdra... Changement de programme, modification du parcours : passage du col de l'Izoard, puis du Lautaret, et enfin le Galibier pour basculer sur le charmant village de Valloire, et enfin rejoindre la gare de Saint Jean de Maurienne.

Un beau dernier chapitre à écrire pour ponctuer ce séjour de belle manière.

Séjour 25 - 28 Sept. 2014 / Etape 2 : Col de Vars et Cîme de la Bonette

Cette seconde journée débuta avec un café allongé et une discussion sur mon projet de guide cyclotourisme haute montagne pour cyclistes étrangers avec la propriétaire de l'auberge. Il est toujours intéressant de collecter les avis et de récupérer des renseignements sur les environs auprès des locaux. 

Descente abrupte depuis Mont Dauphin vers Guillestre

La Cîme de la Bonette, objectif majeur de mon séjour, suite à la lecture d'un article de "L'équipe Magazine" sur les cinq cols préférés de Richard Virenque, est un sommet culminant à 2802m d'altitude, 2715m pour le col. Il est situé dans le parc régional du Mercantour, zone géographique inexplorée par moi jusque là. Barcelonette et le col d'Allos étaient à quelques encablures et j'avais initialement planifié l'ascension de ce col, faisant abstraction de raison en sachant les 185km de parcours qu'il aurait fallu encaisser. Sur la route, je devais me rendre à l'évidence d'une ambition démesurée - la tête est pleine de rêves sans limites alors que le corps évolue dans la réalité. De plus, j'aurais pu le tenter et certainement réussir cette sortie, mais bien certainement au prix des autres objectifs du séjour dont le col Agnel - second objectif majeur. Et je suis définitivement un homme de raison...

J'eus beaucoup de plaisir ce matin là après m'être rendu à Guillestre et ayant suivi la direction du village de Vars en constatant que la pente s'élevait d'emblée. J'affectionne particulièrement ces parcours où l'on entre directement dans le vif du sujet. Cela commença dès lors avec l'ascension du col de Vars depuis Guillestre.

Départ Guillestre, que ce soit pour rejoindre la Cîme de la Bonette ou le col Agnel

On prend d'emblée de l'altitude pour un souffle coupé par le panorama 

Encore frais, avec une bonne nuit de récupération et vent dans le dos, cette ascension s'est faite avec une aisance satisfaisante à un rythme tempo. Les 18,9km à 6% pour 1065m d'ascension ont été avalés en 1h13min07s sans forcer et m'acquittant en plus de mon rôle de cycliste, de celui de photographe.

Petit sommet à 2109m d'altitude

Le schéma logique habituel, après la montée la descente. La montagne, c'est toujours entre 1h et 1h30 d'efforts entrecoupés de 30 à 45 min de "roue libre"/récupération.

La vallée dévoile ensuite ses charmes avec des vues plongeantes sur les villages et les ravins en contre-bas. Plus je descends et plus je me sens à l'aise dans les descentes, l'occasion de prendre quelques clichés magnifiques en usant quand même pas mal les patins.

Descente du col de Vars vers Jausiers

Après avoir traversé le fond de la vallée et emprunté un tunnel dans lequel le froid m'a glacé jusqu'aux os, j'arrivai enfin sur Jausiers pour retirer mon surplus de vêtements et m'engager dans une ascension qui se révéla de plus en plus merveilleuse kilomètres après kilomètres.

Nice n'est plus très loin...

Le spectacle était alors lancé avec une ascension comprenant nombre de lacets, une flore très riche et variée, et des troupeaux de moutons pour ajouter une touche supplémentaire à ce folklore de la nature.

Un cimetière où il fait nul doute bon, vraiment reposer en paix...

Au départ, c'est plutôt vert

Quelques autres couleurs de végétation caractéristique
mais aussi un magnifique ciel bleu azur avec des nuages en traces de pinceau

Peu à peu, des zones arides, sans vie apparente s'imposent.

La végétation devient basse et recouvre juste légèrement ces sols plutôt hostiles

Jusqu'à ce que la terre devienne noire ardoise ou charbon

Le sommet se profile, et comme fils d'un mineur de fond, j'y vois un gigantesque terril : non pas créé par l'homme mais par la Nature elle même.

En vue, le sommet de la Cîme de la Bonette

Me vint alors cette réflexion un peu personnelle, des fils qui prennent les chemins inverses de ceux traçés ou empruntés par leurs pères : quand le mien descendait à 1136m sous terre au puits minier Simon V de Schoeneck, moi je recherche l'altitude, troublant...

Ce col est devenu mon top 1 !

Un premier pan de toit du monde...

Un second...

Et encore un, panorama sur 180° époustouflant !!!

Je m'incline, ce domaine lui appartient.

Si je peux choisir de me réincarner...

Enfin, une vidéo du panorama complet pour résumer le grandiose de cette scène gravée dans l'esprit à jamais:

Ce serait pour vivre dans cette Olympe

Descente du col de la Cîme de la Bonette, une beauté sans fin installée dans une éternité qui nous dépasse.

Retour sur Terre

Petit incident de route, une guêpe s'est logée dans mon col lors de la descente et m'a bien sûr piqué au cou. J'ai été très inquiet, mais cela a été sans grande conséquence, certainement qu'avec un débit sanguin élevé, le poison s'est vite dilué :)

Après un ravitaillement auprès d'un pommier à Jausiers, le retour sur Mont Dauphin se savourait par un imaginaire en suspension du moment vécu.

Je remonte le courant dans ce fond de la vallée où les températures se sont bien élevées.

Le vent s'est un peu plus levé et s'est sérieusement opposé à ma progression du col de Vars par son autre versant. Il faut aussi dire que mes forces étaient amoindries, les muscles fatigués et les tendons un peu trop sollicités jusque là. L'ascension s'est donc faite avec sagesse, en gérant mon énergie et la sollicitation de mes muscles par des efforts limités et une alternance régulière entre position assise et en danseuse.

Plus de 10%, ça fait mal ! :)

Arrivé au sommet du col de Vars un peu rincé comme on dit dans notre jargon, je n'en gardais pas moins ma lucidité pour admirer la nature, c'est le moindre des respects, tout comme d'avoir quelques notions de botanique alpestre...

Epilobe en épi - Epilobium angustifolium - fleur de la famille des Onagraceae

Et la descente en roue libre, avec de sublimes vues à n'en plus finir... 

Les neiges éternelles se devinent au loin sur la cîme des montagnes.

La fin de sortie s'annonce, quelle expérience de bout en bout...

J'ai bien progressé dans les ascensions de ce jour et je chérie ces moments d'efforts et de récompense avec des temps de montée respectables. Mais quand on prend du recul sur ce que l'on a vécu, que l'on revoit les images, les vidéos, on se dit que finalement bien importe peu les chronos, les classements, et les statistiques. Peut être que c'est cet article, cette narration partagée qui est le Graal de cette journée de vie unique.

Col Agnel, j'espèrerais que tu me fasses autant rêver demain!